Henri VI

Nous sommes le samedi 4 février 2012, aux alentours de 15h nous voici arrivé au théâtre de la Filature à Mulhouse pour 8h30 de spectacle ! ... Henri VI de Shakespeare par La Piccola Familia, mise en scène Thomas Jolly.


"BANDE ANNONCE"


 

Tout d'abord quand on nous a proposé cette sortie à Mulhouse on s'est dit : "Oh oui du Shakespeare, pourquoi pas ? En plus une pièce quasiment jamais montée, intéressant ... !" 
Après être sorti de la salle aux alentours de minuit, on comprend pourquoi cette pièce n'est pas souvent montée, en effet il ne s'agit que de la première partie d'Henri VI qui en réalité compte encore l'équivalent c'est à dire 14 heures de spectacle en tout ! Nous aurions pu être dégoutés du théâtre à vie, ayant trop absorbé de texte et vu trop de personnages en même temps, et bien non même pas ! Ce spectacle a été une incroyable expérience... presque magique.

Dès le début de la pièce, nous avons été transporté dans un univers que nous n'avons pas quitté de 15h à 00h. Ce fut une plongée au XVème siècle. Les 18 personnages arrivent lentement du fond de la salle, un à un, ils viennent déposé un peu de terre sur le cercueil d'Henri V qui vient de mourir sur un fond de musique type "grand événement grave et solennel". J'avoue avoir perçu un regard inquiet dans le public qui voulait dire " mais si c'est comme ça pendant huit heures, on va vraiment s'endormir", aucune inquiétude ce premier épisode était truffé de moments insolites sur fond de vérité historique.

Car oui Henri VI, c'est une histoire dans l'Histoire, et quand on aime les histoires et bien on est servi ! Se faire raconter tout un pan de notre passé de la sorte, pendant huit heures, c'est passionnant : entre la série télévisée et le livre d'histoire. Henri VI est une œuvre de jeunesse de Shakespeare, toute l’ardeur de son écriture est parfaitement rendue par cette jeune troupe menée par Thomas Jolly. On ressent bien cet "esprit de troupe" proche du "théâtre de foire" comme il l'évoque dans l'interview.



Voilà ce que je retiens de ces huit heures de spectacles, et quelques milliers de vers :

- Les deux épisodes avaient chacun leur propre atmosphère: le premier épisode racontant la fin de la guerre de cent ans et les querelles entre français et anglais pimentées par la singulière Jeanne D'arc faisant tourner les épées et les esprits entre Orléans, Rouen et Paris. Tout cela ponctué par des notes burlesques, jouant entre autre sur le double sens du texte Shakespearien. Le deuxième épisode quant à lui semble plus "sophistiqué" pour reprendre les termes du metteur en scène En effet on entre alors dans quelque chose de beaucoup plus sombre où la soif de pouvoir au sein du royaume d’Angleterre anime bien des esprits.On voit surgir alors des sorcières, une rose blanche, une rose rouge et la belle Reine Marguerite. Ce deuxième épisode est un peu plus difficile à suivre de part la multitude de personnages et des liens qui les unissent.

-  La Rhapsode, jouée par Manon Thorel, qui permet de prendre un peu distance avec la pièce mais toujours avec humour, ses interventions rythme les entractes et permettent de bien nous situer par rapport à la chronologie de l'action, elle ne manquait pas de nous rappeler exactement combien de temps il nous restait à "tenir" et à réveiller les éventuels "mari venus trainés de force par leur épouses" !

La Rhapsode
- Les CHAISES, ou plutôt, leur utilisation. Elles servent tour à tour de chaises bien sûr, mais font également office de chevaux, de bûcher pour Jeanne d'Arc. C'est un procédé bien simple, qui a déjà du être utilisé, cependant j'ai trouvé que cela renforçait d'autant plus le burlesque de l'épisode en désacralisant le côté sérieux d'une troupe à cheval ou du bûcher.

- Les scènes de batailles. Je n'ai jamais vu de scènes de batailles aussi douces et agréables à regarder. Un véritable enchainement de GRS avec toutes les intentions d'une vraie bataille, un régal.

Toutes les photos sont de Nicolas Joubard.

Conclusion: on attend la deuxième partie avec impatience !

INVASION !

Premier spectacle de l'année 2012 : INVASION ! de Jonas Hassen Khemiri, mise en scène Michel Didym à la Manufacture.


  C'est bien d'avoir des amis qui vont au théâtre avant vous, comme ça ils vous conseillent  "Vraiment vas-y ça va te plaire, je ne t'en dis pas plus ... !", mais il y aussi les amis qui vont au théâtre avant vous et qui en disent plus et qui par exemple vous raconte le début d’Invasion!, chose complètement stupide car le début d'Invasion! quand on sait et bien c'est plus drôle du tout. Enfin si, ça permet d'observer les réactions de ceux qui ne sont pas au courant, ça commence par des "chuutt .... rrohh... mais vous pourriez vous taire s'il vous plait ?" en passant par "ah les scolaires au théâtre, ça ne sait pas se tenir" pour finir par " Mais arrêtez-les, ils sont fous, est ce que quelqu'un va faire quelque chose ?"
Pas de panique chère Madame, c'est juste la "vraie" pièce qui commence alors rasseyons nous afin d’apprécier la suite !

Quelle joie cette invasion au sens propre, ces comédiens on dit tout haut ce qu'on pensait tout bas, c'est à dire qu'ils ont fait ce qu'on n'ose jamais faire au théâtre et à tort, se lever et dire ce qu'on pense à l'actrice qui joue avec mille trémolos dans la voix ou à cet homme là entouré dans du papier bulle à demi-nu sur scène et qui épluche une pomme. Oui je sais ce que je dis est un peu caricatural, mais là réflexion est belle est bien là dans Invasion!, et c'est d'abord cela que j'ai envie d'évoquer à propos de la pièce. Pour une fois, on rit de ce côté un peu élitiste propre aux cercles d'initiés du "théâtre"qui n'ont pas peur de faire référence à cinq metteur en scènes différents dans la même phrase et s'écoutent parler quand ils évoquent le spectacle qu'ils ont vu la veille*. Tout cela pour dire que j'ai trouvé très drôles les moments où se réunissait ce petit groupe d'étudiants en études théâtrales (!) et leurs discours à n'en plus finir sur bien des sujets de société, qui reflètent une certaine réalité, dont nous même étudiants, nous faisons plus ou moins partie.

Le groupe de TD

Et sinon INVASION! de quoi ça parle ? 

C'est une réflexion sur l'autre, l'étranger et le multiculturalisme. Tout part d'un mot qui à la base est un prénom "Abulkasem" et qui au fil de la pièce va pouvoir tout et rien dire, être le prétexte, être aimé, détesté. Ce nom va rythmer la pièce et faire réfléchir sur nos sociétés qui de plus en plus "globalisent" le sens que l'on accorde aux mots et donc aux choses, amenant des discours de plus en plus stéréotypés.
Pour mettre en scène cette réflexion : une émission de télévision, des musiciens,un oncle aux allures de cow-boy à paillettes, des publicités déjantées, une grosse boule rouge, des tubes d'ABBA et des cèdres suédois. Même si parfois on se perd un peu dans la narration et qu'on ne sait plus exactement qui est l'étranger pour qui, on prend toute la mesure du monde d'aujourd'hui qui s'interroge sur son langage, son temps, son identité.
Les points de vues sont multipliés afin de faire naitre la réflexion du spectateur ... seul regret peut être ... j'aurai aimé revoir cet "Abulkasem" à la fin du spectacle, un genre de kidnapping final, pour enfin retrouver sa trace, mais qui sait réellement qui est cet homme ... ?



* Situation vécue.



Festival R.I.N.G : Le Funambus.

C'était aux alentours du 23 Novembre, l'ouverture du Festival RING organisé par le théâtre de la Manufacture. Pour la deuxième année à la période de la Saint-Nicolas est organisé ce festival des "Rencontres Internationales des Nouvelles Générations" (http://www.ring-saintnicolas.com) Une programmation centrée sur la découverte de nouveaux supports technologiques au service du théâtre. 

Il est 19h, place Carnot à Nancy, il fait très froid, et un épais brouillard recouvre bientôt tout le cours Léopold. Des passants intrigués s'arrêtent et viennent se joindre à la masse de spectateurs déjà présents. On ne sait pas trop de quel côté cela va arriver, ni ce que c'est réellement .... Funambus ... je m'attendais à voir un spectacle qui tendrait vers les arts du cirque, un peu décalé. Et bien non Funambus était loin de ce que m'avais évoqué le titre de ce spectacle.

Voici la petite définition qu'en donne la troupe Underclouds :
Funambus : (fynâbys) n.m. Du lat. funambulus, dérivé de funis (corde) du verbe ambulare (se promener) et du mot bus (désigne une architecture de réseau selon laquelle toutes les machines partagent un fil unique.)
1.Véhicule de transport peu commun. 2.Engin motorisé spécialisé dans le transport d’acrobates équilibristes. Il permet le repos des funambules migrateurs lors des grandes transhumances de rue. Exp : « Etre beau comme un funambus » cad, en avoir sous la carrosserie malgré les apparences.

Le voilà qui arrive enfin, en fait ça m'a rappelé l'ambiance des soirs de lâchés de taureaux dans les petits villages espagnols. le bus arrive comme un animal, tiré par la tresse immense de la comédienne.

J'ai beaucoup aimé ce côté animal du bus , comme un cheval fougueux qu'on aurait peine à dresser. Le public était impressionné, un mélange de fascination et d'une certaine méfiance. L'animal guidait nos pas sur la place.

En fait ce qui m'a surtout intéressé, c'est le travail autour de la lumière, en effet, comment mettre en valeur la performance des funambulistes alors qu'il fait nuit. Tout d'abord il y a les phares du bus, éblouissants, comme deux grands yeux dans la brume, il y a le feu au bout des torches et au sol et ce système de perches avec de simples ampoules qui permettait de suivre l'évolution des acrobates des airs. Tout cela crée une ambiance particulière qui fait appel aux sens, voilà ce que j'ai envie de retenir de ce spectacle c'est l'ambiance crée entre danger et chaleur humaine.



En ce qui concerne l'intrigue et ce que le spectacle veut dire, je parlerai plutôt de performance. Performance des funambulistes dans un premier temps, c'est là qu'on retrouve le côté cirque. Au niveau du sens j'avouerai que je ne me suis pas du tout laissée toucher par le message que voulait faire passer les comédiens au delà de la forme. J'ai trouvé un coté très "initié" au spectacle, bien sûr on pouvait sentir la poésie du rapport au corps et beaucoup de choses était suggérées, cependant je suis restée dans une certaine incompréhension face à l'abondance de suggestions justement. Cela peu peut être aussi s'expliquer par le fait que je m'attendais à quelques chose de plus burlesque, en tout cas j'ai envie de me souvenir de la forme et de l'entrée en matière plutôt que de tout ce que pouvais porter le spectacle.


Les Cartes Postales par la Compagnie Zéotrope.

"La scène"
Nous sommes en septembre, c'est la rentrée, il n'y a pas de rentrée si il n'y a pas de vacances, et il n'y a pas de vacances sans souvenir. J'écris donc cet article comme un souvenir de vacances, une pointe d'exotisme dans ce journal du spectateur, après c'est promis je reprendrai le fil de l'année !

Voici quelques jours que je passe à Lyon. C'est en me rendant du côté du quartier de Gerland le vendredi 30 Août, que j'ai découvert La Compagnie Zéotrope et leur création "Les Cartes Postales".
Le principe est simple, les comédiens ont directement travaillé avec les habitants du quartier de Gérland. Ainsi les habitants ont partagé avec la troupe leur meilleur souvenirs de vacances sous forme de cartes-postales. Ces souvenirs que les comédiens ont mis en scène, sont  comme une véritable carte que les spectateurs reçoivent.

Le spectacle se présente comme une sorte de promenade de carte postale en carte postale. On rencontre juché sur sa palette peinte, qui fait office de scène "Celui qui va toujours à Hammamet en Tunisie", "Celui qui déménage" et bien d'autres personnages tout aussi attachants les uns que les autres. Tout le monde peut venir s'asseoir sur le banc et écouter le souvenir que le comédien s'est approprié. Le fait que les spectateurs soient divisés en petits groupes, facilite la proximité et la complicité avec le comédien ce qui est d'autant plus sympathique, l’interaction est totale !
La démarche de la compagnie et du groupe d'acteur est très intéressantes car c'est le quartier, son âme et ses habitants qui sont vivants au quotidien qui sont la source des cartes-postales imaginaires et du personnage que se construit le comédien, le travail mêle respect du souvenir et fantaisie artistique. De plus les habitants de Gérland prennent un réel plaisir à voir aboutir le travail tout autant que les spectateurs venus de loin ( comme nous !), on s'identifie énormément d'autant plus que les scènes sont jouées au cœur du quartier de Gérland entre les murs des HLM et le terrain de foot des enfants du quartier.
Les comédiens avant de commencer le spectacle demande également à tout le public d'inscrire sur un morceau de papier un souvenir de vacances dont il s'inspireront pour leur prochains spectacles. L'idée que le spectateur est un peu aussi l'auteur m'a beaucoup plu.

Voici quelques clichés que j'ai pris pendant la représentation :

Une partie de la compagnie Zéotrope.





"Celui qui déménage de L'Allemagne vers la France" D'ailleurs, le comédien nous a réellement pris pour des allemands, puisque l'on comprenait la carte postale et que lui ne parlait pas un seul mot d'allemand, ce fut un moment sympathique !







Chronique d'une Haine Ordinaire

Nous sommes le mercredi 14 septembre 2012, il est 20h30, c'est la première de :
- Chronique d'une Haine Ordinaire
- La saison du théâtre de la Manufacture
- Pièce de l'année (théâtrale) que je vais voir. 

Ah, oui c'est aussi la première fois que je vais dans la salle toute rénovée du théâtre et la première fois que je vais entendre du Desproges et voir une mise en scène de Michel Didym.
Ça fait beaucoup de premières si on compte.




Tout d'abord ce spectacle est l'occasion de découvrir un auteur que je ne connais que de nom, qu'on cite souvent dans les médias et qui inspire à tous un certain respect, Pierre DESPROGES.
Dès les premières phrases, j'ai eu envie de découvrir cette écriture qui comme le dit Michel Didym est "à la jonction (...) du classicisme français dans ce qu'il a de plus écrit, et rejoignant soudainement une fulgurance presque insolente"

J'ai senti tout au long de la pièce, se dégager une ambiance de confort et de chaleur, on s'y sentait bien, et les deux actrices/personnages y contribuent largement. On a l'impression de les avoir toujours connues, avec leur langues bien pendues, elles forment un peu un tandem à la Laurel et Hardy mais au féminin.
Elles racontent, nous interpellent, chantent, esquissent des pas de danse, jouent du piano. 

Dominique Valadié et Christine Murillo

Ce qui se dégage de la pièce c'est ce contraste entre la légèreté de la forme et du jeu et le sujet "la haine ordinaire". Bien sûr on rit beaucoup dans cette pièce, c'est l'histoire de l'inventeur de la languette rouge de la "vache qui rit" voici l'extrait qui a retenu mon attention :

"Un psychanalyste vous dirait sans doute que ce type - le type qui a inventé l'espèce de fil rouge autour des portions de crème de gruyère - a des tendances sadiques. Il est vrai que cette idée incroyable de faire des nœuds coulants à des laitages qui ne vous ont rien fait peut à première vue relever d'une certaine forme de perversion. Mais bon. Ça ne prouve pas que ce type soit un sadique. Le vrai sadique, pour avoir son plaisir, il faut qu'il assiste de visu à la douleur de l'autre. Mais lui, le type qui a inventé l'espèce de fil rouge autour des portions de crème de gruyère, il n'est jamais là pour se rincer l'oeil quand je me relève affamé à trois heures du matin avec, au ventre, l'espoir insensé de me faire une petite tartine de crème de gruyère...
Alors, qui est-il ? Peut-être qu'il m'entend. La haine aveugle n'est pas sourde. Peut-être qu'il est dingue, ce type. Peut-être qu'il est dingue de père en fils. Si ça se trouve, c'est une forme d'aliénation mentale plus ou moins héréditaire. Peut-être que son père, c'est le type qui a inventé l'espèce de papier collant autour des petits-suisses ? Peut-être que sa mère, c'est la *** qui a inventé le chocolat dur qui tient pas autour des esquimaux ? Peut-être que son grand-père, c'est le fumier qui a inventé la clef qui casse le bout des petites languettes des couvercles de sardines, en complicité avec le pourri qui met de l'huile jusqu'à ras bord des boîtes ?"

Je cite également cet extrait pour faire le lien avec le genre de la chronique, j'ai trouvé intéressant de transposer sur scène quelques chose qui est avant tout fait pour être écouté, il est vrai que par moment on pouvait être tenté de fermer les yeux et de se laisser porter par le texte, c'est aussi peut être pour cela qu'on se sentait si bien dans la salle peut être parce qu'on avait l'impression d'être assis dans son fauteuil à écouter la radio.
Enfin Desproges ce n'est pas seulement une réflexion un peu triviale sur la languette de la vache qui rit, c'est aussi l'évocation du nazisme, de la recherche du bonheur, en somme des réflexions, des Chroniques d'une Haine qui ne devrai plus être ordinaire ...