Tout un homme

Déjà le dernier spectacle de mon abonnement à la Manufacture : Tout un Homme, de et par Jean-Paul Wenzel.
Jeudi 26 avril 2012, théâtre de la Manufacture, puis stage avec Jean-Paul Wenzel le samedi 28 avril.




Tout un Homme, un moment de théâtre unique : Moi qui  pleure rarement au cinéma ... et bien j'ai pleuré au théâtre ... !

Je qualifierais volontiers cette pièce de théâtre du destin, ou théâtre d'une vie. Pour le coup, on ne se sent pas plongé dans une fiction mais au cœur d'une vie riche et passionnante, à peine romancée : un théâtre de récit. Tout un Homme, c'est l'histoire de deux hommes venus d'Algérie et du Maroc, pour travailler dans les bassins houillers Français. C'est une histoire qu'on pourrait simplement lire et que Wenzel nous donne l'occasion de vivre un peu.

Voici un reportage sur la pièce quand elle était encore en cours d'élaboration :


Le spectacle se déroule en deux parties : une partie Algérienne, où l'action est centrée sur Ahmed et son histoire entre la Kabylie, Paris et la Lorraine; suivie d'une partie Marocaine où est racontée l'histoire de Saïd et Omar, deux jeunes  marocains tout juste recrutés pour partir travailler dans le bassin houiller mosellan.

Lorsque nous avons rencontré Jean-Paul Wenzel il nous a raconté la genèse de ce projet. Ces destins forment d'abord un livre qu'il a écrit, fruit de recherches sociologiques, d’entretiens et de trois mois de vie à Forbach. De ce livre il a choisi l'histoire de celui né en 1947 à Saint-Etienne, comme lui : Ahmed. Tout de suite après l'écriture, l'idée d'une petite forme théâtrale s'imposait pour enfin "rendre la parole" à ceux qui ne l'avait jamais eu jusqu'à présent. En quelques jours seulement fut alors montée cette petite pièce simple qu'il jouèrent seize fois en douze jours dans des petites salles. Cette pièce parle de l’histoire de ces mineurs et doit donc leur parler. Ce spectacle est avant tout là pour tisser une relation intime avec son public. Cet esprit de proximité est conservé depuis ces premières représentations, jusqu’au spectacle plus abouti auquel nous avons assisté.


Plusieurs éléments de mise en scène contribuent à cette relation intime entre public et comédiens. Tout d'abord la salle n'est pas plongée dans le noir afin que les acteurs voient le public et vice versa. Ensuite entre les deux parties de la pièce, un thé à la menthe est proposé aux spectateurs, ce qui renforce le côté convivial. Tous ces éléments permettent selon Wenzel, "une certaine désacralisation du genre, son théâtre n'est pas un théâtre de plateau : il est fait pour descendre dans la salle avec le public." La musique joue également un rôle important, avant que le spectacle ne commence, le groupe de musiciens crée une atmosphère en jouant des morceaux aux sonorités magrébines. Une musique forte et joyeuse qui résonne, tout comme le texte clair, simple précis qui nous est directement adressé, provoquant ainsi beaucoup d'émotions, tant on se sent au cœur de l'histoire.

Hovnatan Avédikian et Fadila Belkebla

A partir de ce texte assez brut et plein de vérité, nous avons discuté durant le stage de la manière d'appréhender celui-ci. Ainsi le texte est comme "une matière organique, qui ressurgi une fois qu'on l'a complètement digéré". En effet, comment parler au présent pour un acteur ? Comment faire pour dire son texte comme si c'était la première fois avec la justesse de l'instant ? Pour cela Jean-Paul Wenzel nous a fait travailler l'instant présent. Nous devions décrire ce qui nous entourait, ce qui se passait en s'efforçant de n'oublier aucun détails, aucune sensation. Exercice difficile mais intéressant dans la manière d'aborder un texte et l'intention à lui porter, en oubliant la notion de construction du personnage. Pour Wenzel " la construction du personnage est une chose un peu vieillotte, qui a fait du mal au théâtre français." Après ceux d'entre nous qui connaissaient un texte par cœur, se sont essayés à le dire toujours dans cet optique de l'instant présent. Ce fut un moment très émouvant pour certains d'entre nous qui ont fait naître un nouveau sens à leur texte spontanément sans chercher à le jouer.

Ce que je retiendrai de cette pièce est de ce stage, c'est que le théâtre de Wenzel est avant tout un théâtre de l'humain, proche de la chronique sociale ou le temps et les mots doivent nécessairement s'ajuster pour résonner parfaitement et toucher les spectateurs.


Ubu Roi par le TUN / Ubu Roi par les étudiants du Conservatoire.

Ubu Roi d'Alfred Jarry, mise en scène Denis Milos à l'amphithéâtre déléage de la fac.

















Ubu Roi D'Alfred Jarry, mise en scène Boutros El Amari à la salle Poirel.


Je note d'ores et déjà que cet article du journal n'a pas pour vocation de favoriser une mise en scène plus qu'une autre, l'analyse se voudra la plus objective possible. Il me paraissait intéressant de rendre compte du travail de mise en scène de deux troupes non professionnelles sur la même pièce, jouées quasiment au même moment.
 ***
Les partis pris de mise en scène sont évidemment complètement différents. Tout d'abord au niveau du texte, les élèves du TUN sont restés fidèles à celui-ci, tandis que la version du Conservatoire contient des éléments en plus comme des blagues, ou certaines expressions, qui donnent au texte de Jarry un certain décalage. Cela ajoute un effet à la limite de l'improvisation.

En ce qui concerne la scénographie, le TUN nous proposait un jeu de dès/mots-croisés géants. Au début de la pièce le messager vient apporter un cube pour compléter "la grille" au fur et à mesure apparait le mot "MERDRE" : la pièce est lancée ! Ces cubes serviront d'ailleurs par la suite de tables et chaises, ils sont la base du décor. On peut voir dans ce jeu la métaphore du jeu du pouvoir ... (destins croisée ? Coup de dès ?) tournée en dérisions par Jarry. L'adaptation du conservatoire présente une scénographie plus "simple". le décor consiste en des paravents peints de motifs psychédéliques, une trappe peinte de flamme au milieu de la toile permet d'engloutir "les nobles" et autres "financiers". Ce principe de la trappe est d'ailleurs repris dans les deux pièces. Pour ce qui est des lieux, au TUN, ils sont situés oralement par le personnage du messager, et par des pancartes qui glissent pour l'autre pièce.

La Musique tient également une place importante dans la pièce à l'origine, ce qui est bien rendu dans les deux adaptations. Claude Terrasse compositeur notamment d'opérettes, par sa musique a favorisé la construction d'un univers ubuesque et d'une cohésion narrative. Ainsi chaque personnage possède un thème et est identifiable par celui-ci. On garde tous en tête, la célèbre chanson du décervelage à la fin du spectacle.

L'affiche du festival Traverses 2012

Dans les deux pièces on peut dire que l'esprit d'Ubu a été parfaitement conservé, l'adaptation du conservatoire laissant une place plus importante à l'investissement du corps des acteurs et à la force de jeu, en campant des personnages singuliers et riches. Le TUN propose une adaptation reposant plus sur l’interaction décors/acteurs : on a le sentiment d'une construction permanente du plateau, des personnages,  et d'une certaine mouvance qui colle bien à tous les déplacements et aventures/voyages des personnages.

Voici les petits plus que je retiens pour chacune des adaptations :

Pour le TUN :

- La Nappe " tout incorporée" où la vaisselle est directement collée sur la nappe m'a fait beaucoup rire
- Le personnage du messager, qui donne un côté "Cabaret" dès le début du spectacle
- Les scènes de guerre à coup de balles en plastique et de ballons de basket


Pour le CONSERVATOIRE :

- La course au trésor ralentie, particulièrement épique.
- Le cheval du père Ubu "tout incorporé" lui aussi : selle, cheval et bottes d'équitation dans un seul bout de tissus !
- Le roi pour le moins androgyne ... !
 

Le Laboratorium

Du 21 au 28 avril 2012, se tenait le festival Géo Condé au théâtre Gérard Philippe de Frouard. Avec une amie nous étions bénévoles ce vendredi 27 avril et nous avons donc eu la chance d'assister au spectacle pour enfant à partir de 8 ans .... Le Laboratorium, par la Compagnie Succursale 101.

BANDE ANNONCE ...




Le Laboratorium est une pièce relativement courte (50min) qui raconte l'histoire de deux scientifique fous : le professeur Illman et son assistant, Crameur. Ils pensent détenir un sérum d'immortalité qu'ils testent sur des rats de laboratoire. Ce spectacle a la particularité de mêler jeu d'acteur et marionnettes : les deux scientifiques sont incarnés par deux acteurs assez terrifiants et les rats sont des marionnettes presque aussi vraie que nature.

Le nouveau cobaye du professeur.

L'histoire est donc assez simple si on veut la résumer, c'est un peu l’arroseur arrosé puisqu'à la fin c'est les savants qui se retrouvent à la place des rats, et notre petite bande de rongeurs s'échappe allègrement du laboratoire après bien des tentatives d'évasion, jusqu'ici rien de bien original, c'est une histoire de rat de laboratoire.
En fait c'est l'atmosphère que crée ce spectacle à la limite du glauque et de l'angoissant qui est intéressante. Nous sommes plongés dans une semi pénombre, le plateau est éclairé par une faible lumière verdâtre et des étagères garnies d'étranges bocaux de formols forment le fond du décor : intimidant n'est-ce pas ?
On a l'impression d'être plongé dans un vieux film du genre du tout premier Frankenstein ou Nosfertu de Murnau.

Nosferatu de Murnau

Ce spectacle pour enfant mais pas que, permet donc de passer un bon moment surtout si on aime les histoire qui font peur ! Note spéciale pour :
- L'humour et au voix des rats qu'on croiraient tout droit sorti d'un dessin animé
- Les chansons des crânes et bêtes enfermés dans le formol " N'avez vous jamais rêvé de devenir cobaye ? De voir votre corps flotter dans un joli bocal ? Couché pour l’éternité dans un lit de formol ? De voir les années passées prisonniers d'un sous-sol ? ...."
- La mère du professeur Illman, un cerveau autoritaire conservé dans un bocal sur pied à roulettes qui s'exprime uniquement par grésillements électriques à son fils

Le professeur et sa mère !

René L'Enervé

Il y a des soirs ou on ne prévoit pas d'aller au spectacle est encore moins à l'opéra et où on s'y retrouve quand même :

" Bon, vous faites quoi ce soir ?"
" Bah, rien de spécial ... "
" Ca te dis pas d'aller à l'opéra, depuis le temps qu'on veut y aller, si on arrive 1/4 d'heure avant et qu'il reste des places c'est 8 euros pour les étudiants ... aller, en plus c'est René L'Enervé de Jean-Michel Ribes, ça à l'air sympa ... !"
...
 Nous voilà donc dans la hall de l'opéra, pour la première fois de notre vie. On se dirige vers le guichet, "Bonsoir, il vous reste des places ?"
"Bien, sûr, où désirez-vous être placé ?"
" Et bien ... euh ...on ne sait pas ...euh... le MIEUX !"
" Parfait premier balcon, bon spectacle"

Pourquoi toujours autant d'appréhension quand on ne connait pas un lieu, après tout l'opéra c'est pareil qu'un théâtre, en un peu plus doré. Les repères sont vites pris, nous voilà installé 
"T'as vu drôlement bien cette petite rambarde en velours, on peut s'appuyer, pour regarder les gens du dessous!"
C'est vrai qu'avant le spectacle, le spectacle est aussi un peu dans la salle, bon c'est vrai aussi quand on va à la Manufacture, mais là je ne sais pas on était en hauteur et ça change tout!


Bien, revenons-en au spectacle. René L’Énervé, un opéra bouffe et tumultueux de Jean-Michel Ribes, nous sommes le jeudi 15 mars 2012.
Le thème de cet opéra : la campagne présidentiel de Nicolas Sarkozy en 2007, et son arrivée au pouvoir. Sujet pour le moins épineux,ce qui explique probablement que l'opéra n'ait pas fait salle comble, tous les soirs.
J'avoue que j'avais un peu peur que René l’Énervé soit une sorte de "Guignols de l'info" chantés, non pas que je n'aime pas les Guignols, c'est plus le côté parodique à l'extrême que j'appréhendais un peu. Finalement rien de cela, effectivement les personnages suggèrent une référence plutôt que de verser dans une caricature assumée.
On est plus dans la réflexion sur le pouvoir à la Ubu Roi par moment que dans la satire, même si bien évidemment on reconnait avec précisions les ministres évoqués et autres événements du mandat. C'est un peu là le paradoxe de la pièce : se révolter contre le gouvernement en place, mettre en garde contre les extrêmes tout en essayant de ne pas les montrer du doigts directement, et emmener le public dans une relative "fiction". De fait tout le monde en prend pour son grade, sans faire de dessin, on fait vite le rapprochement entre plateau et réalité. Nous avons donc : l'opposition ou Ginette et Gaufrette toute de rose vêtues se dispute la tête du parti, les "cons de la nation" arnaché tels des bûcherons, trophées de chasses sous le bras et brassards rappelant étrangement ceux d'un certain parti, les écolos grimés en une bande de hippies tout droit sortis de Woodstock, bref Jean-Michel Ribes n'y va pas avec le dos de la cuillère.

Le Conseil des Ministres
 
Passé ces quelques considérations d'ordre "thématique", intéressons nous à la mise en scène. Je qualifierai volontiers cette pièce d'OSNI (Objet-Scénique-Non-Identifié) en effet, on y chante pas tout à fait de l'opéra ni tout à fait de l'opérette, on y joue, on y court, on y parle politique et on voit un chœur antique s'y balader avec aisance ! Voici quelques éléments qui me paraissent intéressant de retenir à propos de cet opéra :

La Musique : On assiste à un mélange de plusieurs genre : l'opérette mais aussi des airs plus jazz ou qui font penser aux comédies musicales américaines ou encore aux films de Jacques Demy pour les paroles et la gaietés des morceaux.


Les Couleurs:  En parlant de Demy, il y autant de couleurs et de costumes "pop" dans René l'Énervé que dans les Demoiselles de Rochefort !


Le Chœur Antique: Fabuleuse trouvaille décalée, jusqu'au bout des costumes qui nous guide dans l'intrigue, et se fait expulser par un certain ministre ...


La Structure du décor: de simples cases que l'on déplace munies d'échelles pour sauter d'un lieu à l'autre.


Le Chœur "Antique"


 Enfin je finirai par quelques éléments qui m'ont laissé perplexe : l'apparition d'un double de René avec une conscience qui le ramène sur le droit chemin est-elle nécessaire ? Pourquoi ne pas assumer René jusqu'au bout de la farce, avec son caractère quelques peu mégalo sans vouloir à tout prix lui racheter une conscience. La vidéo projection, intéressante pour le côté "hyper président" mais pas forcement nécessaire à mon sens. Et enfin quelques moments de longueur dans le deuxième acte ou on sent René s’essouffler à force de courir ...

Après tout quelle meilleur place pour un homme politique qu'une scène de théâtre : comme le dit la métaphore du " Teatrum Mundi" !


 


Le Système de Ponzi

Mercredi 14 mars 2012, le Système de Ponzi à La Manufacture ainsi que le samedi 17 mars stage avec le metteur en scène : David Lescot.

Charles Ponzi joué par Scali Delpeyrat


Pour le coup, cette pièce m'a un petit peu fait l'inverse de Courteline dans l'article précédent ! Je n'étais pas forcément très attirée par la pièce ni par le thème et n'attendait rien de spécial de celle-ci et cependant ce fut une véritable découverte. 2h15 que je n'ai pas vu passer.

On est complètement happé par le système de Ponzi. L'histoire se construit sous nos yeux petit à petit, les personnages prennent forme, s'habillent, se transforment et d'un coût "PAF" : l'intrigue commence, le rythme effréné est lancé, nous ne quitterons plus Charles Ponzi, jusqu'à la fin.

Un petit Charleston ?


Lorsque nous avons rencontré David Lescot, on s'est demandé pourquoi lui ,Ponzi, que personne ne connait en France ?
En fait ce qui intéressait Lescot, s'était la crise de 2008 très présente dans les esprits : Charles Ponzi était donc un moyen détourné d'en parler. Bien sûr il aurait pu s’intéresser à Bernard Madoff, mais le manque de recul sur l'affaire, l'on fait se tourner vers Ponzi... enfin pas seulement pour cette unique raison. En effet Ponzi c'est évidemment le thème de la finance, mais c'est aussi la naissance de la publicité ( Ponzi invente dans la pièce le système des pages jaunes), les réseaux, la culture américaine, la construction d'un identité lorsque l'on est immigré italien, la construction d'une société et d'un système : la capitalisme. Bref, autant de raisons de s’intéresser à ce drôle de personnage.

On se passionne alors pour l'histoire de ce Ponzi, ambitieux, menteur, n'aimant sa femme qu'à travers les largesses qu'il lui offre. La pièce est un mélange de faits précis et véridiques (chiffres authentiques) et une partie romancée très libre, qui permet au texte de développer toute sa musicalité. En effet la musique est omniprésente dans cette pièce. Elle est présente par l'orchestre qui vient ponctuellement jouer et ajouter cette touche très "cinématographique" qui embellit les émotions, elle permet les bruitages (celui du paquebot notamment), les acteurs chantent, mais elle est surtout présente dans le texte. Pour reprendre David Lescot "Le système de Ponzi est un opéra parlé"

Le bateau
Ainsi David Lescot écrit ses textes comme sur du papier à musique tout est rythmé, les syllabes comme des notes qui résonnent parfaitement dans la bouche des acteurs. L'approche et la travail du texte de Lescot est tout a fait intéressante, on ne se contente pas de dire le texte : on le chante en parlant, c'est ce qu'il a essayé de nous faire travailler lors du stage: "l'écriture théâtrale, c'est un créole". Chacun d'entre nous tenait un personnage, ou formait un chœur de 2 ou 3 voix. A partir d'accords de guitares et d'un rythme précis on essayait de caler sa voix, son intensité et son rythme par rapport à la musique  selon le personnage et le sentiment qu'il voulait exprimer. Je me souviens des deux premiers mots de l'extrait que nous travaillions "Ragtime, Ragtime ...", plus que de le dire on entendait derrière ces mots chantés ce précurseur du jazz.

Le Jazz, les états-unis, les années 1920, c'est aussi ça la pièce. En univers proche des films en noir et blanc des débuts du parlant. On danse le charleston en robe à frange et bandeaux à plumes, quelque chose qui relève du cabaret. Univers essentiellement amené par les costumes, en effet la mise en scène c'est un peu "faire du théâtre de bricolage" pour Lescot. C'est très simple : des tables, des chaises, quelques costumes, des petites lampes. En fait c'est "une analogie positive entre le théâtre et l'arnaque : un système, avec les mêmes éléments on fait pleins de choses différentes" C'est bien vrai les tables sont tour à tour : tables (!), bateau, cabine d'essayage, piste de danse, ponton ... 
En fait c'est ça l'arnaque, on se laisse complètement abusé par ce Charles, son histoire, sa chanson, ses billets qui volent, et plus c'est terrible plus on y croit, pas un seul instant on ne s'insurge contre ce malhonnête système, c'est là que la pièce réussi son pari et double la mise !
 
Enfin, je voulais évoquer deux petites choses que David Lescot a dites et qui me paraissent intéressantes dans l'approche du théâtre par le spectateur. Premièrement le fait qu'au théâtre" la notion de divertissement est primordiale" la preuve avec ce Système de Ponzi. Mais aussi qu'"en tant que spectateur nous ne devions pas nous battre contre nous même": si nous avons envie de nous assoupir, de rire, de nous détendre et de partir dans une rêverie, nous en avons le droit. Il ne faut pas lutter car "il n'y a pas de spectacle qu'on reçoit en totalité, on le reçoit en fragment" aussi passionnant que le système .... euh pardon spectacle soit !

Courteline, amour noir.

 Il est 20h30, le mercredi 8 février nous arrivons à la Salle Poirel pour voir un spectacle de la programmation de la Manufacture "délocalisé" : Courteline, amour noir d'après trois comédies en un acte de Georges Courteline : La Peur des Coups, Les Boulingrin et La paix chez soi. Mise en scène de Jean-Louis Benoit.



C'est avec beaucoup de déception que j'aborde ce spectacle, en effet je me réjouissais d'aller voir cette pièce, qui changeait un peu par rapport au "style" habituel de la Manufacture. Je pensais y retrouver les ambiances de Feydeau ou Labiche que j'avais vu il y a déjà quelques années. Je pensais rire franchement et savourer ces trois petites intrigues. Cependant je n'ai fait que sourire et suis restée sur ma faim quant à la mise en scène. Les trois pièces étaient faites pour aller en crescendo, ce qui fut effectivement le cas, mais un crescendo qui n'est pas arrivé si haut qu'il aurait pu, à mon sens. Et pourtant les pièces étaient propices à une profusion de jeux et à un grain de folie, qu'il manquait malheureusement. Le dynamisme n'était pas là jusqu'au bout et pourtant les acteurs se démènent, alors peut être suis-je un peu dure mais j'attendais de cette pièce un peu plus d'explosion ! J'explique cela aussi en partie par le fait que j'ai trouvé le jeu des acteurs très inégal. Sans vouloir faire ma féministe ..., les femmes dégageaient beaucoup plus d'énergie que les hommes, mais encore une fois auraient pu aller plus loin dans leur crises d'hystéries et autres querelles conjugales. En fait le tout est resté très lisse et propre, je ne dis pas qu'il faut verser dans l’adaptation trash et provocatrice, cependant un tout petit peu plus de décalage aurait été le bienvenu, surtout que les thèmes abordés s'y prêtaient volontiers. En effet les pièces de Courteline évoque avant tout les vices humains : la jalousie, l'amour du gain, l'hypocrisie, une certaine misogynie : autant de thèmes intemporels à creuser encore afin de sortir des carcans habituels !

Il faut tout de même relever quelques éléments positifs, car tous les éléments étaient réunis pour faire décoller la pièce ( je déteste écrire ce genre d'article, ou j'ai l’impression d'être une grande méchante spectatrice ...!) Le décor était sympathique cette cuisine des années 1950, et ses costumes nous plongeait tout de même dans un autre univers. Le lit, tel une alcôve entre la porte d’entrée et l'évier de la cuisine était une bonne et drôle de trouvaille ! En fait le jeu avec tout les petits éléments de décors du quotidien était assez drôle et surtout dans la dernière pièce qui était la plus aboutie à mon sens, j'aurais aimé qu'elle continue car c'est à partir du moment où le mari menace Monsieur Des Rillettes avec une perceuse, que j'ai pris franchement du plaisir ! Je sais ma critique est peut être un peu légère, mais avec du théâtre comme celui de Courteline je pense que comme le disait David Lescot lors de notre rencontre "la notion de divertissement est primordiale"
Oui, ce soir là j'allais au théâtre uniquement pour me divertir et certes j'ai souri, mais j'aurais aimé rire aux éclats ! Peut être n'ai-je rien compris à Courteline ou alors ne suis-je pas bon public ... après tout être déçu est bien un de nos droit de spectateur même si la sensation n'ai jamais agréable !




Les Trois Soeurs.

Nous sommes le mercredi 1 février 2011, et ce soir à la Manufacture, on joue Tchekhov, Les Trois Sœurs. Adaptation et mise en scène Michel Dezoteux.

RÉPÉTITIONS ...



J'avais vraiment hâte d'aller voir cette pièce, elle tombait à point nommé. En effet au conservatoire nous travaillions au même moment sur La Mouette et j'avais du mal à me représenter réellement l'univers de Tchekhov, il fallait que j'arrive à matérialiser l'idée abstraite que je me faisais de son théâtre.

Les trois sœurs !


Ce à quoi je me suis d'abord le plus attaché c'est le jeu des acteurs et l'intention. En effet je trouve que Tchekhov  est très difficile à jouer dans le sens où on peut vite tomber dans un espèce de ton niais, ou bien à l'inverse une sorte d’emphase, surtout lorsqu'il s'agit de scènes entre amants ou entre mère et enfants. Je pense à cette scène par exemple, parmi d'autres :

"OLGA. La voilà qui vient.
Entre Macha.
VERCHININE. Je suis venu prendre congé...
Olga s'écarte un peu pour ne pas gêner les adieux
.
MACHA, le regardant dans les yeux. Adieu!
Un long baiser.

OLGA.
Voyons, voyons...
Macha sanglote fort.

VERCHININE.
Écris-moi... N'oublie pas ! Laisse-moi... il est temps... Olga, prenez-la, il me faut... Il est temps... je suis en retard...
Très ému, il baise les mains d'Olga, puis étreint Macha encore une fois et sort rapidement.
OLGA. Macha, voyons! Arrête, ma chérie...
Entre Koulyguine.
KOULYGUINE, troublé. Ça ne fait rien, laisse-la pleurer, laisse... Tu es ma petite Macha, ma bonne, ma gentille Macha... Tu es ma femme, et quoi qu'il arrive, je suis heureux... Je ne me plains pas, je ne te reproche rien, rien du tout... tiens, Olga en est témoin... Nous allons commencer à vivre comme avant et, de ma part, tu n'entendras pas le moindre mot, pas la moindre allu­sion...
MACHA, retenant ses sanglots. Au bord d'une baie un chêne vert, autour du chêne une chaîne d'or... autour du chêne une chaîne d'or... Je deviens folle...
OLGA. Calme-toi, Macha... Calme-toi... Donne-lui un peu d'eau.
MACH A. Je ne pleure plus."

J'ai été admirative du ton juste et simple que donnait les acteurs au texte, il résonnait parfaitement, de quoi nourrir notre travail au conservatoire. Ensuite, je me suis attachée à l’harmonie que dégageait la pièce, bien sûr l'écriture des Trois Sœurs fait que chaque personnage est singulier et dégage une énergie qui lui est propre. Cependant ils sont tous plus ou moins rejoins par leur malêtre et leur névroses de petits bourgeois, cela les enveloppent et en résulte une certaine harmonie qu'on ressent aussi dans le décor; cette moquette au sol m'a fait penser à un cocon, comme une bulle dans laquelle ils étaient tous enfermés et ne pouvaient jamais en sortir. Une harmonie qui transparait aussi par ces trois sœurs complémentaires, qui forment une sorte de trio parfait. Enfin je dirais que cette pièce est complétement intemporelle. Cela ce voit à travers les éléments de décor puisque les personnages évoluent dans un univers très "Rétro" à la fois dans le mobilier ( Un Juke-box en guise de cadeau d’anniversaire !), mais aussi dans les costumes. Intemporelle, aussi, dans les thèmes abordés : celui d'un ailleurs meilleur, des rêves d'avenir symbolisées ici par la ville de Moscou; mais aussi par l'évocation des tourments sentimentaux et des relations familiales complexes. Pour reprendre Michel Dezoteux "Ces Trois sœurs ne sont ni du XIXème siècle, ni d'aujourd'hui. Tchekhov n'a pas besoin d'être modernisé: il est notre contemporain !"



Enfin je terminerai par quelques éléments de mise en en scène que j'ai apprécié, car ils créaient une proximité avec le public et une identification aux personnages  : le fait que les acteurs utilisent les portes d'entrée et de sortie du théâtre sur les côtés et aussi l'impression d'être avec eux dans leur maison au centre des discussions familiales et des chansons du Baron !


Henri VI

Nous sommes le samedi 4 février 2012, aux alentours de 15h nous voici arrivé au théâtre de la Filature à Mulhouse pour 8h30 de spectacle ! ... Henri VI de Shakespeare par La Piccola Familia, mise en scène Thomas Jolly.


"BANDE ANNONCE"


 

Tout d'abord quand on nous a proposé cette sortie à Mulhouse on s'est dit : "Oh oui du Shakespeare, pourquoi pas ? En plus une pièce quasiment jamais montée, intéressant ... !" 
Après être sorti de la salle aux alentours de minuit, on comprend pourquoi cette pièce n'est pas souvent montée, en effet il ne s'agit que de la première partie d'Henri VI qui en réalité compte encore l'équivalent c'est à dire 14 heures de spectacle en tout ! Nous aurions pu être dégoutés du théâtre à vie, ayant trop absorbé de texte et vu trop de personnages en même temps, et bien non même pas ! Ce spectacle a été une incroyable expérience... presque magique.

Dès le début de la pièce, nous avons été transporté dans un univers que nous n'avons pas quitté de 15h à 00h. Ce fut une plongée au XVème siècle. Les 18 personnages arrivent lentement du fond de la salle, un à un, ils viennent déposé un peu de terre sur le cercueil d'Henri V qui vient de mourir sur un fond de musique type "grand événement grave et solennel". J'avoue avoir perçu un regard inquiet dans le public qui voulait dire " mais si c'est comme ça pendant huit heures, on va vraiment s'endormir", aucune inquiétude ce premier épisode était truffé de moments insolites sur fond de vérité historique.

Car oui Henri VI, c'est une histoire dans l'Histoire, et quand on aime les histoires et bien on est servi ! Se faire raconter tout un pan de notre passé de la sorte, pendant huit heures, c'est passionnant : entre la série télévisée et le livre d'histoire. Henri VI est une œuvre de jeunesse de Shakespeare, toute l’ardeur de son écriture est parfaitement rendue par cette jeune troupe menée par Thomas Jolly. On ressent bien cet "esprit de troupe" proche du "théâtre de foire" comme il l'évoque dans l'interview.



Voilà ce que je retiens de ces huit heures de spectacles, et quelques milliers de vers :

- Les deux épisodes avaient chacun leur propre atmosphère: le premier épisode racontant la fin de la guerre de cent ans et les querelles entre français et anglais pimentées par la singulière Jeanne D'arc faisant tourner les épées et les esprits entre Orléans, Rouen et Paris. Tout cela ponctué par des notes burlesques, jouant entre autre sur le double sens du texte Shakespearien. Le deuxième épisode quant à lui semble plus "sophistiqué" pour reprendre les termes du metteur en scène En effet on entre alors dans quelque chose de beaucoup plus sombre où la soif de pouvoir au sein du royaume d’Angleterre anime bien des esprits.On voit surgir alors des sorcières, une rose blanche, une rose rouge et la belle Reine Marguerite. Ce deuxième épisode est un peu plus difficile à suivre de part la multitude de personnages et des liens qui les unissent.

-  La Rhapsode, jouée par Manon Thorel, qui permet de prendre un peu distance avec la pièce mais toujours avec humour, ses interventions rythme les entractes et permettent de bien nous situer par rapport à la chronologie de l'action, elle ne manquait pas de nous rappeler exactement combien de temps il nous restait à "tenir" et à réveiller les éventuels "mari venus trainés de force par leur épouses" !

La Rhapsode
- Les CHAISES, ou plutôt, leur utilisation. Elles servent tour à tour de chaises bien sûr, mais font également office de chevaux, de bûcher pour Jeanne d'Arc. C'est un procédé bien simple, qui a déjà du être utilisé, cependant j'ai trouvé que cela renforçait d'autant plus le burlesque de l'épisode en désacralisant le côté sérieux d'une troupe à cheval ou du bûcher.

- Les scènes de batailles. Je n'ai jamais vu de scènes de batailles aussi douces et agréables à regarder. Un véritable enchainement de GRS avec toutes les intentions d'une vraie bataille, un régal.

Toutes les photos sont de Nicolas Joubard.

Conclusion: on attend la deuxième partie avec impatience !

INVASION !

Premier spectacle de l'année 2012 : INVASION ! de Jonas Hassen Khemiri, mise en scène Michel Didym à la Manufacture.


  C'est bien d'avoir des amis qui vont au théâtre avant vous, comme ça ils vous conseillent  "Vraiment vas-y ça va te plaire, je ne t'en dis pas plus ... !", mais il y aussi les amis qui vont au théâtre avant vous et qui en disent plus et qui par exemple vous raconte le début d’Invasion!, chose complètement stupide car le début d'Invasion! quand on sait et bien c'est plus drôle du tout. Enfin si, ça permet d'observer les réactions de ceux qui ne sont pas au courant, ça commence par des "chuutt .... rrohh... mais vous pourriez vous taire s'il vous plait ?" en passant par "ah les scolaires au théâtre, ça ne sait pas se tenir" pour finir par " Mais arrêtez-les, ils sont fous, est ce que quelqu'un va faire quelque chose ?"
Pas de panique chère Madame, c'est juste la "vraie" pièce qui commence alors rasseyons nous afin d’apprécier la suite !

Quelle joie cette invasion au sens propre, ces comédiens on dit tout haut ce qu'on pensait tout bas, c'est à dire qu'ils ont fait ce qu'on n'ose jamais faire au théâtre et à tort, se lever et dire ce qu'on pense à l'actrice qui joue avec mille trémolos dans la voix ou à cet homme là entouré dans du papier bulle à demi-nu sur scène et qui épluche une pomme. Oui je sais ce que je dis est un peu caricatural, mais là réflexion est belle est bien là dans Invasion!, et c'est d'abord cela que j'ai envie d'évoquer à propos de la pièce. Pour une fois, on rit de ce côté un peu élitiste propre aux cercles d'initiés du "théâtre"qui n'ont pas peur de faire référence à cinq metteur en scènes différents dans la même phrase et s'écoutent parler quand ils évoquent le spectacle qu'ils ont vu la veille*. Tout cela pour dire que j'ai trouvé très drôles les moments où se réunissait ce petit groupe d'étudiants en études théâtrales (!) et leurs discours à n'en plus finir sur bien des sujets de société, qui reflètent une certaine réalité, dont nous même étudiants, nous faisons plus ou moins partie.

Le groupe de TD

Et sinon INVASION! de quoi ça parle ? 

C'est une réflexion sur l'autre, l'étranger et le multiculturalisme. Tout part d'un mot qui à la base est un prénom "Abulkasem" et qui au fil de la pièce va pouvoir tout et rien dire, être le prétexte, être aimé, détesté. Ce nom va rythmer la pièce et faire réfléchir sur nos sociétés qui de plus en plus "globalisent" le sens que l'on accorde aux mots et donc aux choses, amenant des discours de plus en plus stéréotypés.
Pour mettre en scène cette réflexion : une émission de télévision, des musiciens,un oncle aux allures de cow-boy à paillettes, des publicités déjantées, une grosse boule rouge, des tubes d'ABBA et des cèdres suédois. Même si parfois on se perd un peu dans la narration et qu'on ne sait plus exactement qui est l'étranger pour qui, on prend toute la mesure du monde d'aujourd'hui qui s'interroge sur son langage, son temps, son identité.
Les points de vues sont multipliés afin de faire naitre la réflexion du spectateur ... seul regret peut être ... j'aurai aimé revoir cet "Abulkasem" à la fin du spectacle, un genre de kidnapping final, pour enfin retrouver sa trace, mais qui sait réellement qui est cet homme ... ?



* Situation vécue.



Festival R.I.N.G : Le Funambus.

C'était aux alentours du 23 Novembre, l'ouverture du Festival RING organisé par le théâtre de la Manufacture. Pour la deuxième année à la période de la Saint-Nicolas est organisé ce festival des "Rencontres Internationales des Nouvelles Générations" (http://www.ring-saintnicolas.com) Une programmation centrée sur la découverte de nouveaux supports technologiques au service du théâtre. 

Il est 19h, place Carnot à Nancy, il fait très froid, et un épais brouillard recouvre bientôt tout le cours Léopold. Des passants intrigués s'arrêtent et viennent se joindre à la masse de spectateurs déjà présents. On ne sait pas trop de quel côté cela va arriver, ni ce que c'est réellement .... Funambus ... je m'attendais à voir un spectacle qui tendrait vers les arts du cirque, un peu décalé. Et bien non Funambus était loin de ce que m'avais évoqué le titre de ce spectacle.

Voici la petite définition qu'en donne la troupe Underclouds :
Funambus : (fynâbys) n.m. Du lat. funambulus, dérivé de funis (corde) du verbe ambulare (se promener) et du mot bus (désigne une architecture de réseau selon laquelle toutes les machines partagent un fil unique.)
1.Véhicule de transport peu commun. 2.Engin motorisé spécialisé dans le transport d’acrobates équilibristes. Il permet le repos des funambules migrateurs lors des grandes transhumances de rue. Exp : « Etre beau comme un funambus » cad, en avoir sous la carrosserie malgré les apparences.

Le voilà qui arrive enfin, en fait ça m'a rappelé l'ambiance des soirs de lâchés de taureaux dans les petits villages espagnols. le bus arrive comme un animal, tiré par la tresse immense de la comédienne.

J'ai beaucoup aimé ce côté animal du bus , comme un cheval fougueux qu'on aurait peine à dresser. Le public était impressionné, un mélange de fascination et d'une certaine méfiance. L'animal guidait nos pas sur la place.

En fait ce qui m'a surtout intéressé, c'est le travail autour de la lumière, en effet, comment mettre en valeur la performance des funambulistes alors qu'il fait nuit. Tout d'abord il y a les phares du bus, éblouissants, comme deux grands yeux dans la brume, il y a le feu au bout des torches et au sol et ce système de perches avec de simples ampoules qui permettait de suivre l'évolution des acrobates des airs. Tout cela crée une ambiance particulière qui fait appel aux sens, voilà ce que j'ai envie de retenir de ce spectacle c'est l'ambiance crée entre danger et chaleur humaine.



En ce qui concerne l'intrigue et ce que le spectacle veut dire, je parlerai plutôt de performance. Performance des funambulistes dans un premier temps, c'est là qu'on retrouve le côté cirque. Au niveau du sens j'avouerai que je ne me suis pas du tout laissée toucher par le message que voulait faire passer les comédiens au delà de la forme. J'ai trouvé un coté très "initié" au spectacle, bien sûr on pouvait sentir la poésie du rapport au corps et beaucoup de choses était suggérées, cependant je suis restée dans une certaine incompréhension face à l'abondance de suggestions justement. Cela peu peut être aussi s'expliquer par le fait que je m'attendais à quelques chose de plus burlesque, en tout cas j'ai envie de me souvenir de la forme et de l'entrée en matière plutôt que de tout ce que pouvais porter le spectacle.


Les Cartes Postales par la Compagnie Zéotrope.

"La scène"
Nous sommes en septembre, c'est la rentrée, il n'y a pas de rentrée si il n'y a pas de vacances, et il n'y a pas de vacances sans souvenir. J'écris donc cet article comme un souvenir de vacances, une pointe d'exotisme dans ce journal du spectateur, après c'est promis je reprendrai le fil de l'année !

Voici quelques jours que je passe à Lyon. C'est en me rendant du côté du quartier de Gerland le vendredi 30 Août, que j'ai découvert La Compagnie Zéotrope et leur création "Les Cartes Postales".
Le principe est simple, les comédiens ont directement travaillé avec les habitants du quartier de Gérland. Ainsi les habitants ont partagé avec la troupe leur meilleur souvenirs de vacances sous forme de cartes-postales. Ces souvenirs que les comédiens ont mis en scène, sont  comme une véritable carte que les spectateurs reçoivent.

Le spectacle se présente comme une sorte de promenade de carte postale en carte postale. On rencontre juché sur sa palette peinte, qui fait office de scène "Celui qui va toujours à Hammamet en Tunisie", "Celui qui déménage" et bien d'autres personnages tout aussi attachants les uns que les autres. Tout le monde peut venir s'asseoir sur le banc et écouter le souvenir que le comédien s'est approprié. Le fait que les spectateurs soient divisés en petits groupes, facilite la proximité et la complicité avec le comédien ce qui est d'autant plus sympathique, l’interaction est totale !
La démarche de la compagnie et du groupe d'acteur est très intéressantes car c'est le quartier, son âme et ses habitants qui sont vivants au quotidien qui sont la source des cartes-postales imaginaires et du personnage que se construit le comédien, le travail mêle respect du souvenir et fantaisie artistique. De plus les habitants de Gérland prennent un réel plaisir à voir aboutir le travail tout autant que les spectateurs venus de loin ( comme nous !), on s'identifie énormément d'autant plus que les scènes sont jouées au cœur du quartier de Gérland entre les murs des HLM et le terrain de foot des enfants du quartier.
Les comédiens avant de commencer le spectacle demande également à tout le public d'inscrire sur un morceau de papier un souvenir de vacances dont il s'inspireront pour leur prochains spectacles. L'idée que le spectateur est un peu aussi l'auteur m'a beaucoup plu.

Voici quelques clichés que j'ai pris pendant la représentation :

Une partie de la compagnie Zéotrope.





"Celui qui déménage de L'Allemagne vers la France" D'ailleurs, le comédien nous a réellement pris pour des allemands, puisque l'on comprenait la carte postale et que lui ne parlait pas un seul mot d'allemand, ce fut un moment sympathique !







Chronique d'une Haine Ordinaire

Nous sommes le mercredi 14 septembre 2012, il est 20h30, c'est la première de :
- Chronique d'une Haine Ordinaire
- La saison du théâtre de la Manufacture
- Pièce de l'année (théâtrale) que je vais voir. 

Ah, oui c'est aussi la première fois que je vais dans la salle toute rénovée du théâtre et la première fois que je vais entendre du Desproges et voir une mise en scène de Michel Didym.
Ça fait beaucoup de premières si on compte.




Tout d'abord ce spectacle est l'occasion de découvrir un auteur que je ne connais que de nom, qu'on cite souvent dans les médias et qui inspire à tous un certain respect, Pierre DESPROGES.
Dès les premières phrases, j'ai eu envie de découvrir cette écriture qui comme le dit Michel Didym est "à la jonction (...) du classicisme français dans ce qu'il a de plus écrit, et rejoignant soudainement une fulgurance presque insolente"

J'ai senti tout au long de la pièce, se dégager une ambiance de confort et de chaleur, on s'y sentait bien, et les deux actrices/personnages y contribuent largement. On a l'impression de les avoir toujours connues, avec leur langues bien pendues, elles forment un peu un tandem à la Laurel et Hardy mais au féminin.
Elles racontent, nous interpellent, chantent, esquissent des pas de danse, jouent du piano. 

Dominique Valadié et Christine Murillo

Ce qui se dégage de la pièce c'est ce contraste entre la légèreté de la forme et du jeu et le sujet "la haine ordinaire". Bien sûr on rit beaucoup dans cette pièce, c'est l'histoire de l'inventeur de la languette rouge de la "vache qui rit" voici l'extrait qui a retenu mon attention :

"Un psychanalyste vous dirait sans doute que ce type - le type qui a inventé l'espèce de fil rouge autour des portions de crème de gruyère - a des tendances sadiques. Il est vrai que cette idée incroyable de faire des nœuds coulants à des laitages qui ne vous ont rien fait peut à première vue relever d'une certaine forme de perversion. Mais bon. Ça ne prouve pas que ce type soit un sadique. Le vrai sadique, pour avoir son plaisir, il faut qu'il assiste de visu à la douleur de l'autre. Mais lui, le type qui a inventé l'espèce de fil rouge autour des portions de crème de gruyère, il n'est jamais là pour se rincer l'oeil quand je me relève affamé à trois heures du matin avec, au ventre, l'espoir insensé de me faire une petite tartine de crème de gruyère...
Alors, qui est-il ? Peut-être qu'il m'entend. La haine aveugle n'est pas sourde. Peut-être qu'il est dingue, ce type. Peut-être qu'il est dingue de père en fils. Si ça se trouve, c'est une forme d'aliénation mentale plus ou moins héréditaire. Peut-être que son père, c'est le type qui a inventé l'espèce de papier collant autour des petits-suisses ? Peut-être que sa mère, c'est la *** qui a inventé le chocolat dur qui tient pas autour des esquimaux ? Peut-être que son grand-père, c'est le fumier qui a inventé la clef qui casse le bout des petites languettes des couvercles de sardines, en complicité avec le pourri qui met de l'huile jusqu'à ras bord des boîtes ?"

Je cite également cet extrait pour faire le lien avec le genre de la chronique, j'ai trouvé intéressant de transposer sur scène quelques chose qui est avant tout fait pour être écouté, il est vrai que par moment on pouvait être tenté de fermer les yeux et de se laisser porter par le texte, c'est aussi peut être pour cela qu'on se sentait si bien dans la salle peut être parce qu'on avait l'impression d'être assis dans son fauteuil à écouter la radio.
Enfin Desproges ce n'est pas seulement une réflexion un peu triviale sur la languette de la vache qui rit, c'est aussi l'évocation du nazisme, de la recherche du bonheur, en somme des réflexions, des Chroniques d'une Haine qui ne devrai plus être ordinaire ...