Le Système de Ponzi

Mercredi 14 mars 2012, le Système de Ponzi à La Manufacture ainsi que le samedi 17 mars stage avec le metteur en scène : David Lescot.

Charles Ponzi joué par Scali Delpeyrat


Pour le coup, cette pièce m'a un petit peu fait l'inverse de Courteline dans l'article précédent ! Je n'étais pas forcément très attirée par la pièce ni par le thème et n'attendait rien de spécial de celle-ci et cependant ce fut une véritable découverte. 2h15 que je n'ai pas vu passer.

On est complètement happé par le système de Ponzi. L'histoire se construit sous nos yeux petit à petit, les personnages prennent forme, s'habillent, se transforment et d'un coût "PAF" : l'intrigue commence, le rythme effréné est lancé, nous ne quitterons plus Charles Ponzi, jusqu'à la fin.

Un petit Charleston ?


Lorsque nous avons rencontré David Lescot, on s'est demandé pourquoi lui ,Ponzi, que personne ne connait en France ?
En fait ce qui intéressait Lescot, s'était la crise de 2008 très présente dans les esprits : Charles Ponzi était donc un moyen détourné d'en parler. Bien sûr il aurait pu s’intéresser à Bernard Madoff, mais le manque de recul sur l'affaire, l'on fait se tourner vers Ponzi... enfin pas seulement pour cette unique raison. En effet Ponzi c'est évidemment le thème de la finance, mais c'est aussi la naissance de la publicité ( Ponzi invente dans la pièce le système des pages jaunes), les réseaux, la culture américaine, la construction d'un identité lorsque l'on est immigré italien, la construction d'une société et d'un système : la capitalisme. Bref, autant de raisons de s’intéresser à ce drôle de personnage.

On se passionne alors pour l'histoire de ce Ponzi, ambitieux, menteur, n'aimant sa femme qu'à travers les largesses qu'il lui offre. La pièce est un mélange de faits précis et véridiques (chiffres authentiques) et une partie romancée très libre, qui permet au texte de développer toute sa musicalité. En effet la musique est omniprésente dans cette pièce. Elle est présente par l'orchestre qui vient ponctuellement jouer et ajouter cette touche très "cinématographique" qui embellit les émotions, elle permet les bruitages (celui du paquebot notamment), les acteurs chantent, mais elle est surtout présente dans le texte. Pour reprendre David Lescot "Le système de Ponzi est un opéra parlé"

Le bateau
Ainsi David Lescot écrit ses textes comme sur du papier à musique tout est rythmé, les syllabes comme des notes qui résonnent parfaitement dans la bouche des acteurs. L'approche et la travail du texte de Lescot est tout a fait intéressante, on ne se contente pas de dire le texte : on le chante en parlant, c'est ce qu'il a essayé de nous faire travailler lors du stage: "l'écriture théâtrale, c'est un créole". Chacun d'entre nous tenait un personnage, ou formait un chœur de 2 ou 3 voix. A partir d'accords de guitares et d'un rythme précis on essayait de caler sa voix, son intensité et son rythme par rapport à la musique  selon le personnage et le sentiment qu'il voulait exprimer. Je me souviens des deux premiers mots de l'extrait que nous travaillions "Ragtime, Ragtime ...", plus que de le dire on entendait derrière ces mots chantés ce précurseur du jazz.

Le Jazz, les états-unis, les années 1920, c'est aussi ça la pièce. En univers proche des films en noir et blanc des débuts du parlant. On danse le charleston en robe à frange et bandeaux à plumes, quelque chose qui relève du cabaret. Univers essentiellement amené par les costumes, en effet la mise en scène c'est un peu "faire du théâtre de bricolage" pour Lescot. C'est très simple : des tables, des chaises, quelques costumes, des petites lampes. En fait c'est "une analogie positive entre le théâtre et l'arnaque : un système, avec les mêmes éléments on fait pleins de choses différentes" C'est bien vrai les tables sont tour à tour : tables (!), bateau, cabine d'essayage, piste de danse, ponton ... 
En fait c'est ça l'arnaque, on se laisse complètement abusé par ce Charles, son histoire, sa chanson, ses billets qui volent, et plus c'est terrible plus on y croit, pas un seul instant on ne s'insurge contre ce malhonnête système, c'est là que la pièce réussi son pari et double la mise !
 
Enfin, je voulais évoquer deux petites choses que David Lescot a dites et qui me paraissent intéressantes dans l'approche du théâtre par le spectateur. Premièrement le fait qu'au théâtre" la notion de divertissement est primordiale" la preuve avec ce Système de Ponzi. Mais aussi qu'"en tant que spectateur nous ne devions pas nous battre contre nous même": si nous avons envie de nous assoupir, de rire, de nous détendre et de partir dans une rêverie, nous en avons le droit. Il ne faut pas lutter car "il n'y a pas de spectacle qu'on reçoit en totalité, on le reçoit en fragment" aussi passionnant que le système .... euh pardon spectacle soit !

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