Tout un homme

Déjà le dernier spectacle de mon abonnement à la Manufacture : Tout un Homme, de et par Jean-Paul Wenzel.
Jeudi 26 avril 2012, théâtre de la Manufacture, puis stage avec Jean-Paul Wenzel le samedi 28 avril.




Tout un Homme, un moment de théâtre unique : Moi qui  pleure rarement au cinéma ... et bien j'ai pleuré au théâtre ... !

Je qualifierais volontiers cette pièce de théâtre du destin, ou théâtre d'une vie. Pour le coup, on ne se sent pas plongé dans une fiction mais au cœur d'une vie riche et passionnante, à peine romancée : un théâtre de récit. Tout un Homme, c'est l'histoire de deux hommes venus d'Algérie et du Maroc, pour travailler dans les bassins houillers Français. C'est une histoire qu'on pourrait simplement lire et que Wenzel nous donne l'occasion de vivre un peu.

Voici un reportage sur la pièce quand elle était encore en cours d'élaboration :


Le spectacle se déroule en deux parties : une partie Algérienne, où l'action est centrée sur Ahmed et son histoire entre la Kabylie, Paris et la Lorraine; suivie d'une partie Marocaine où est racontée l'histoire de Saïd et Omar, deux jeunes  marocains tout juste recrutés pour partir travailler dans le bassin houiller mosellan.

Lorsque nous avons rencontré Jean-Paul Wenzel il nous a raconté la genèse de ce projet. Ces destins forment d'abord un livre qu'il a écrit, fruit de recherches sociologiques, d’entretiens et de trois mois de vie à Forbach. De ce livre il a choisi l'histoire de celui né en 1947 à Saint-Etienne, comme lui : Ahmed. Tout de suite après l'écriture, l'idée d'une petite forme théâtrale s'imposait pour enfin "rendre la parole" à ceux qui ne l'avait jamais eu jusqu'à présent. En quelques jours seulement fut alors montée cette petite pièce simple qu'il jouèrent seize fois en douze jours dans des petites salles. Cette pièce parle de l’histoire de ces mineurs et doit donc leur parler. Ce spectacle est avant tout là pour tisser une relation intime avec son public. Cet esprit de proximité est conservé depuis ces premières représentations, jusqu’au spectacle plus abouti auquel nous avons assisté.


Plusieurs éléments de mise en scène contribuent à cette relation intime entre public et comédiens. Tout d'abord la salle n'est pas plongée dans le noir afin que les acteurs voient le public et vice versa. Ensuite entre les deux parties de la pièce, un thé à la menthe est proposé aux spectateurs, ce qui renforce le côté convivial. Tous ces éléments permettent selon Wenzel, "une certaine désacralisation du genre, son théâtre n'est pas un théâtre de plateau : il est fait pour descendre dans la salle avec le public." La musique joue également un rôle important, avant que le spectacle ne commence, le groupe de musiciens crée une atmosphère en jouant des morceaux aux sonorités magrébines. Une musique forte et joyeuse qui résonne, tout comme le texte clair, simple précis qui nous est directement adressé, provoquant ainsi beaucoup d'émotions, tant on se sent au cœur de l'histoire.

Hovnatan Avédikian et Fadila Belkebla

A partir de ce texte assez brut et plein de vérité, nous avons discuté durant le stage de la manière d'appréhender celui-ci. Ainsi le texte est comme "une matière organique, qui ressurgi une fois qu'on l'a complètement digéré". En effet, comment parler au présent pour un acteur ? Comment faire pour dire son texte comme si c'était la première fois avec la justesse de l'instant ? Pour cela Jean-Paul Wenzel nous a fait travailler l'instant présent. Nous devions décrire ce qui nous entourait, ce qui se passait en s'efforçant de n'oublier aucun détails, aucune sensation. Exercice difficile mais intéressant dans la manière d'aborder un texte et l'intention à lui porter, en oubliant la notion de construction du personnage. Pour Wenzel " la construction du personnage est une chose un peu vieillotte, qui a fait du mal au théâtre français." Après ceux d'entre nous qui connaissaient un texte par cœur, se sont essayés à le dire toujours dans cet optique de l'instant présent. Ce fut un moment très émouvant pour certains d'entre nous qui ont fait naître un nouveau sens à leur texte spontanément sans chercher à le jouer.

Ce que je retiendrai de cette pièce est de ce stage, c'est que le théâtre de Wenzel est avant tout un théâtre de l'humain, proche de la chronique sociale ou le temps et les mots doivent nécessairement s'ajuster pour résonner parfaitement et toucher les spectateurs.


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