René L'Enervé

Il y a des soirs ou on ne prévoit pas d'aller au spectacle est encore moins à l'opéra et où on s'y retrouve quand même :

" Bon, vous faites quoi ce soir ?"
" Bah, rien de spécial ... "
" Ca te dis pas d'aller à l'opéra, depuis le temps qu'on veut y aller, si on arrive 1/4 d'heure avant et qu'il reste des places c'est 8 euros pour les étudiants ... aller, en plus c'est René L'Enervé de Jean-Michel Ribes, ça à l'air sympa ... !"
...
 Nous voilà donc dans la hall de l'opéra, pour la première fois de notre vie. On se dirige vers le guichet, "Bonsoir, il vous reste des places ?"
"Bien, sûr, où désirez-vous être placé ?"
" Et bien ... euh ...on ne sait pas ...euh... le MIEUX !"
" Parfait premier balcon, bon spectacle"

Pourquoi toujours autant d'appréhension quand on ne connait pas un lieu, après tout l'opéra c'est pareil qu'un théâtre, en un peu plus doré. Les repères sont vites pris, nous voilà installé 
"T'as vu drôlement bien cette petite rambarde en velours, on peut s'appuyer, pour regarder les gens du dessous!"
C'est vrai qu'avant le spectacle, le spectacle est aussi un peu dans la salle, bon c'est vrai aussi quand on va à la Manufacture, mais là je ne sais pas on était en hauteur et ça change tout!


Bien, revenons-en au spectacle. René L’Énervé, un opéra bouffe et tumultueux de Jean-Michel Ribes, nous sommes le jeudi 15 mars 2012.
Le thème de cet opéra : la campagne présidentiel de Nicolas Sarkozy en 2007, et son arrivée au pouvoir. Sujet pour le moins épineux,ce qui explique probablement que l'opéra n'ait pas fait salle comble, tous les soirs.
J'avoue que j'avais un peu peur que René l’Énervé soit une sorte de "Guignols de l'info" chantés, non pas que je n'aime pas les Guignols, c'est plus le côté parodique à l'extrême que j'appréhendais un peu. Finalement rien de cela, effectivement les personnages suggèrent une référence plutôt que de verser dans une caricature assumée.
On est plus dans la réflexion sur le pouvoir à la Ubu Roi par moment que dans la satire, même si bien évidemment on reconnait avec précisions les ministres évoqués et autres événements du mandat. C'est un peu là le paradoxe de la pièce : se révolter contre le gouvernement en place, mettre en garde contre les extrêmes tout en essayant de ne pas les montrer du doigts directement, et emmener le public dans une relative "fiction". De fait tout le monde en prend pour son grade, sans faire de dessin, on fait vite le rapprochement entre plateau et réalité. Nous avons donc : l'opposition ou Ginette et Gaufrette toute de rose vêtues se dispute la tête du parti, les "cons de la nation" arnaché tels des bûcherons, trophées de chasses sous le bras et brassards rappelant étrangement ceux d'un certain parti, les écolos grimés en une bande de hippies tout droit sortis de Woodstock, bref Jean-Michel Ribes n'y va pas avec le dos de la cuillère.

Le Conseil des Ministres
 
Passé ces quelques considérations d'ordre "thématique", intéressons nous à la mise en scène. Je qualifierai volontiers cette pièce d'OSNI (Objet-Scénique-Non-Identifié) en effet, on y chante pas tout à fait de l'opéra ni tout à fait de l'opérette, on y joue, on y court, on y parle politique et on voit un chœur antique s'y balader avec aisance ! Voici quelques éléments qui me paraissent intéressant de retenir à propos de cet opéra :

La Musique : On assiste à un mélange de plusieurs genre : l'opérette mais aussi des airs plus jazz ou qui font penser aux comédies musicales américaines ou encore aux films de Jacques Demy pour les paroles et la gaietés des morceaux.


Les Couleurs:  En parlant de Demy, il y autant de couleurs et de costumes "pop" dans René l'Énervé que dans les Demoiselles de Rochefort !


Le Chœur Antique: Fabuleuse trouvaille décalée, jusqu'au bout des costumes qui nous guide dans l'intrigue, et se fait expulser par un certain ministre ...


La Structure du décor: de simples cases que l'on déplace munies d'échelles pour sauter d'un lieu à l'autre.


Le Chœur "Antique"


 Enfin je finirai par quelques éléments qui m'ont laissé perplexe : l'apparition d'un double de René avec une conscience qui le ramène sur le droit chemin est-elle nécessaire ? Pourquoi ne pas assumer René jusqu'au bout de la farce, avec son caractère quelques peu mégalo sans vouloir à tout prix lui racheter une conscience. La vidéo projection, intéressante pour le côté "hyper président" mais pas forcement nécessaire à mon sens. Et enfin quelques moments de longueur dans le deuxième acte ou on sent René s’essouffler à force de courir ...

Après tout quelle meilleur place pour un homme politique qu'une scène de théâtre : comme le dit la métaphore du " Teatrum Mundi" !


 


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